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Ces “effets cocktail” qui menacent l’homme

Des substances chimiques qui prises isolément sont sans danger pour l’homme deviennent nocives quand elles sont mélangées. Cette découverte récente rebat les cartes de la toxicologie.

Amilo - Effets Coktail

Vous avez aimé le Bisphénol A et les autres perturbateurs endocriniens ? Vous allez adorer les « effets cocktail ». Ceux-ci seront au cœur des deux jours de débats entre scientifiques de tous horizons organisés à Paris sous l’égide de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

L’intitulé du colloque, « Exposition aux mélanges de substances chimiques : quels défis pour la recherche et l’évaluation des risques ? », éclaire cette notion encore très largement méconnue du grand publicUn effet cocktail se produit lorsqu’une substance chimique, que l’on croyait inoffensive à faible dose, devient nocive à cette même dose si elle est mélangée à une autre. Sa toxicité est en quelque sorte dopée – les spécialistes disent « potentialisée » – par l’action du second agent chimique.

Les mécanismes biologiques sous-jacents sont relativement bien connus. Toute substance chimique, pour avoir des effets sur un organisme, doit d’abord être métabolisée par ce dernier. Cette métabolisation est l’œuvre d’enzymes. Dans un effet cocktail, la seconde substance augmente l’action de ces enzymes – d’où la potentialisation.

Les scientifiques suspectaient depuis longtemps que de telles synergies pouvaient se produire dans la myriade de substances chimiques auxquelles nous sommes tous les jours confrontés – il en existe plus de 10.000 différentes dans un simple morceau de bitume, et à peu près autant dans la fumée que crachent nos moteurs Diesel ! Mais, jusqu’à une date récente, ils n’avaient encore pas pu mettre en évidence un effet cocktail. La sophistication croissante des méthodes analytiques de dosage, ainsi que la révolution des « omiques » (génomique, transcriptomique, protéomique…), ont changé la donne. Depuis quelques années, les études sur le sujet se multiplient. Notamment aux Etats-Unis, où la puissance de feu financière mobilisée par le National Institute of Environmental Health Science (NIEHS) dans le cadre d’un ambitieux

Programme national de toxicologie est à la hauteur de l’enjeu, avec un budget annuel de près de 130 millions de dollars.

Révolution culturelle

Sans disposer des mêmes moyens – loin s’en faut ! –, les équipes françaises et européennes se sont elles aussi emparées de la question. Une équipe toulousaine de l’Inra a ainsi mesuré la génotoxicité (capacité à endommager l’ADN) de 7 cocktails de pesticides, choisis parmi ceux auxquels nous sommes le plus fréquemment exposés via notre alimentation. L’un de ces cocktails, composé de 5 pesticides dont 2 seulement sont génotoxiques, a présenté un effet cocktail : alors que la composante la plus toxique du mélange ne commence à avoir des effets qu’à partir d’une concentration de 4 micromolaires (4 millionièmes de mole par litre), le fait de la mélanger avec les quatre autres rabaisse ce seuil à 0,6 micromolaire. L’équipe qui a réalisé ces travaux précise que 6 des 25 substances testées dans des cocktails ont été retirées du marché depuis le début de l’étude. Ce qui peut tout autant inquiéter que rassurer…

Le même mois où l’Inra dévoilait ces travaux sur les pesticides, l’Inserm, de son côté, testait les effets d’un mélange de très faibles doses de polluants alimentaires fréquemment trouvés dans l’alimentation humaine (dont du Bisphénol A et des phtalates) sur des souris préalablement rendues obèses par une alimentation riche en gras. Le « cocktail » dont on cherchait ici à déterminer l’effet n’était pas le mélange de polluants alimentaires mais l’association obésité + polluants. Aux doses testées, les polluants considérés sont – théoriquement – sans impact sur la santé. Et pourtant, l’étude a clairement montré l’apparition chez les souris – et notamment les souris femelles – d’un certain nombre de perturbations métaboliques, à commencer par une aggravation de l’intolérance au glucose. « Nous apportons une preuve de concept que de faibles doses de polluants, de l’ordre des doses considérées sans effet pour l’homme, ont en réalité un effet lorsque l’exposition est chronique et que les polluants sont administrés en mélange dans une alimentation enrichie en calories », résume Brigitte Le Magueresse Battistoni, responsable de l’étude.

Ces deux publications, parmi beaucoup d’autres, semblent appeler la même conclusion : à savoir que l’approche traditionnelle de la toxicologie, consistant à raisonner substance par substance, sans tenir compte des combinaisons possibles, est à revoir d’urgence.

Certains, tel le toxicologue André Cicolella, « lanceur d’alerte » à l’origine du Réseau environnement santé, appellent leurs pairs à faire au plus vite leur révolution culturelle et à en finir avec la notion de seuil de toxicité, rendue selon eux complètement obsolète non seulement par les effets cocktail mais aussi, plus largement, par les spécificités des perturbateurs endocriniens (lire ci-dessous). D’autres, comme le directeur scientifique de l’Anses, Gérard Lasfargues, se montrent plus prudents : « Il est vrai que, dans un certain nombre de cas, les seuils de toxicité prescrits par la réglementation ne sont plus valides », reconnaît-il. Mais de là à tout remettre à plat, il y a un pas qu’il ne semble pas prêt à franchir : «  Il est tout à fait possible d’intégrer la problématique des effets cocktail dans la réglementation actuelle. Mais il est clair que, si l’approche par seuils de toxicité est conservée, nombre d’entre eux devront être revus radicalement à la baisse. » L’avenir seul dira lequel des deux a raison. Mais mieux vaudrait pour nous que ce débat d’experts soit tranché assez vite. D’après un rapport récent du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’exposition aux substances chimiques a fait, en 2011, 4,9 millions de morts.

Écrit par Yann VERDO  –  Journaliste  –  yverdo@lesechos.fr

Conso et Santé, Les Echos.fr  –  06/12/2013

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